Séminaire international de la JOCI: « Nous sommes ces millions de jeunes travaillant dans des conditions précaires »

Nous nous préparons à renouveler la société

 Chers camarades jeunes travailleurs du monde, nous vous transmettons nos salutations depuis Assesse (Belgique) où la JOC tient son séminaire international. Dans nos cœurs et dans nos esprits, nous sommes solidaires de votre lutte quotidienne pour une vie digne. Vous avez délégué des militants de vos mouvements nationaux de pays aussi divers que l’Allemagne, l’Australie, le Brésil, la Flandre, le Gabon, le Guatemala, l’Indonésie, le Pérou, le Québec, le Venezuela et la Wallonie. Nous aimerions partager avec vous un peu de notre travail. Le travail que nous réalisons pour nous préparer à renouveler la société.

Une vie et un travail précaires

Nous avons approfondi notre analyse du monde du travail tel que nous le connaissons aujourd’hui et de ses conséquences sur notre vie et notre avenir. Nous avons souligné que nous sommes le milliard 700 millions de jeunes de la planète. Nous sommes ces millions qui travaillent dans des conditions précaires, dans des emplois temporaires, dans le secteur informel, comme travailleurs indépendants, avec de longs horaires de travail, pour les salaires les plus bas.

Nous sommes les 75 millions de jeunes travailleurs sans emploi (40% de tous les chômeurs). Nous sommes ceux qui n’ont pas ou peu de protection sociale contre la maladie et le chômage. Nos droits du travail nous sont refusés ou ne sont pas respectés comme il convient, et dans de nombreux pays, il est dangereux de nous organiser.

Nous sommes les masses qui vivent dans des conditions qui affectent gravement notre santé physique et mentale. Nous avons un sentiment d’insécurité, nous nous sentons inutiles et avons l’impression de dépendre de la chance. Nous rencontrons des difficultés à répondre à nos besoins élémentaires, par exemple la sécurité de logement, la capacité de payer nos factures, de fonder une famille, de manger sainement. L’industrie publicitaire nous pousse au consumérisme. Nous sommes forcés de nous prendre en charge et nous sommes confrontés aux nouvelles technologies qui colonisent parfois notre temps et nous détournent de la réalité. Nous constatons aussi que notre environnement est détruit et que les ressources de notre planète ne sont pas partagées équitablement.

Telle est la réalité qui secoue notre sens de la dignité et a constitué le point de départ du séminaire. Afin de bien comprendre pourquoi nous nous trouvons dans cette situation, nous avons discuté des causes. À nos yeux, il est clair que le système capitaliste et financier mondial est le principal responsable de notre réalité. Il détruit nos démocraties et crée une féroce concurrence entre les travailleurs, les peuples et les nations afin qu’une très petite élite accumule les richesses, nous poussant dans une spirale vers le bas, plongeant des milliards de personnes dans la pauvreté et l’insécurité.

Naturellement, nous agissons tous face à cette réalité, que ce soit dans notre groupe de base local, au niveau national et au niveau international. Ce séminaire nous a offert l’occasion de réviser nos actions à ces trois niveaux. Nous avons examiné l’impact de nos actions sur la vie des jeunes travailleurs et avons conclu que nous avons eu un certain impact, mais pas suffisant pour parler d’un réel changement en profondeur.

Une vie digne

Toutefois, notre rêve de vie digne est aussi ardent qu’un volcan. Sa luminescence, sa flamme et sa force provoquent des changements irrémédiables. Joseph Cardijn, le fondateur de notre mouvement, a déclaré que chaque jeune travailleur valait plus que tout l’or du monde. C’est dans cet esprit que nous intensifierons notre combat pour un travail juste et une vie digne à travers la protection sociale, l’égalité des genres et une éducation de qualité dans la vie et au travail.

Nous aspirons à pouvoir satisfaire nos besoins élémentaires que sont la faim, la soif, le sommeil, l’exercice physique et la relaxation. Nous rêvons de sécurité et de stabilité ; d’un logement sûr et confortable ; d’un travail digne ; de pouvoir payer nos factures ; d’épargner ; de prendre soin de notre santé. Nous rêvons d’une vie sociale riche : amis, parents, affection, amour, collègues et appartenance à un groupe. Nous rêvons d’être valorisés et reconnus. Nous rêvons de liberté, d’indépendance, de respect mutuel, d’estime, de confiance en soi et d’identité. Nous rêvons de nous épanouir en tant que personnes humaines, d’apprendre, de nous développer dans différents rôles et domaines de la vie, de pouvoir résoudre nos problèmes et d’obtenir des résultats, de vivre sans préjugés, d’avoir la possibilité de choisir en toute conscience qui nous sommes et ce que nous voulons.

Une période de défis nous attend

 Afin de nous engager sur la voie d’une société nouvelle, nous avons réfléchi à la façon d’accroître notre impact au cours des deux années à venir. Le Plan d’action international a fixé les grandes lignes nous permettant d’identifier les différents défis. Nous avons discuté certains points absolument fondamentaux. Cela nous a permis de définir à mi-parcours les stratégies à suivre d’aujourd’hui jusqu’au conseil mondial en Allemagne (2016).

Le système capitaliste et financier : à rejeter ou à adapter ?

Tout d’abord, nous avons discuté du capitalisme comme principale cause de notre réalité. En quoi consiste ce système ? Qui sont les acteurs ? Comment s’est-il développé au cours de l’histoire ? Le capitalisme a-t-il toujours existé ou y a-t-il eu d’autres types de société ? Quel est notre rôle dans la société capitaliste ? Voyons-nous dans le modèle de dialogue social une stratégie pour changer notre réalité ? L’exploitation des peuples et des ressources de la nature n’est-elle pas inscrite dans les gènes de ce système ? En tant que JOC, devrions-nous adapter et modifier ce système ou devrions-nous le rejeter et le renverser pour créer une alternative émanant de la base, par exemple en organisant notre propre production coopérative ?

Nous avons conclu en disant que le mouvement avait perdu son analyse du monde du travail et qu’il y avait une perte d’identité en tant que jeunes travailleurs. Afin de relever ce défi, nous voulons identifier la relation entre différents mécanismes de la société qui manipulent et contrôlent le système de pauvreté dans lequel sont maintenus les jeunes travailleurs et les masses en général. Nous voulons renforcer la sensibilisation et la formation des jeunes et des militants par rapport au système capitaliste et financier et à son impact sur le monde du travail. Plus concrètement, nous allons promouvoir des débats, faire une synthèse ou analyse de la réalité politique, sociale et économique dans le monde, étendre nos équipes de militants et la coordination avec des militants qui proviennent de l’action à la base, etc.

Notre méthodologie JOC : une chose du passé ?

Nous avons également discuté de notre méthodologie jociste. Les documents fondamentaux qui expliquent la méthode Voir-Juger-Agir, la Révision de vie et d’action ouvrière et la Tâche d’éducation sont-ils encore d’actualité ? Pouvons-nous encore les utiliser pour travailler avec les jeunes travailleurs ? Devrions-nous adapter les mots à l’époque actuelle ? Ou le principal problème est-il que nous ne comprenons pas réellement la méthodologie et ne sommes pas capables de l’appliquer dans les actions concrètes menées avec les jeunes travailleurs aujourd’hui ?

Nous avons constaté une faiblesse dans la mise en œuvre de la RVAO dans les actions que nous menons. Nous voulons connaître la situation que traversent les jeunes travailleurs et identifier des moyens d’améliorer leurs réalités complexes ; nous voulons renforcer l’utilisation de la méthodologie jociste dans la construction de l’analyse et le développement de l’action. À tous les niveaux de la JOC, nous garantirons des possibilités de formation à la méthodologie (RVAO, Tâche d’éducation, analyse de la réalité).

L’impact de notre mouvement : fort ou plutôt marginal ?

Nous avons examiné l’impact des actions de notre mouvement sur la réalité des jeunes travailleurs et au niveau structurel. Quel est le nombre de membres, de militants, de groupes de base, d’actions et de mouvements nationaux dans le monde ? Les mécanismes que nous avons identifiés comme cause de notre réalité ont-ils été affectés ou modifiés par nos actions ? Quelles étaient nos revendications ? Comment avons-nous agi aux différents niveaux ? Quel changement avons-nous obtenu ?

Il est clair que nos actions ont eu un impact sur la réalité, par exemple sur la conscientisation des jeunes travailleurs et sur la conscience politique dans certains pays. Cependant, l’impact reste insuffisant au niveau structurel et dans notre mouvement. Plus précisément, nous nous inquiétons de notre capacité en termes de nombre, de formation des responsables et de continuité du mouvement. Nous allons dès lors systématiser les actions menées aujourd’hui, recueillir des témoignages, distribuer des enquêtes, utiliser le guide d’extension, organiser des échanges entre extensionnistes et mouvements consolidés, rester en contact étroit avec l’extension en cours en Ukraine, en Amérique centrale et en Chine, etc.

L’autonomie de notre mouvement : dépendant ou autosuffisant ?

Nous nous sommes aussi penchés sur notre situation financière. Sommes-nous financièrement autonomes ou dépendons-nous de financements externes ? Comment s’est déroulé le paiement des cotisations de membres ? Avons-nous organisé des activités de financement ? Comment formons-nous les militants à leurs responsabilités financières ?

Certains mouvements, comme le Paraguay, sont très autonomes, mais ils sont plutôt l’exception. En général, il existe une forte dépendance vis-à-vis des agences de financement et des gouvernements, et les jeunes travailleurs ne comprennent pas pourquoi ils doivent payer une cotisation. Au niveau international, nous ne disposons pas de suffisamment de moyens financiers pour bien financer la coordination. Nous nous attaquerons à ces défis en assurant une formation financière à tous les niveaux du mouvement. Au niveau national, chaque mouvement organisera une formation pour ses membres, augmentera le nombre d’activités de financement, clarifiera la situation financière du mouvement et en informera ses membres. Au niveau international, la commission finances  passera en revue les cotisations des mouvements nationaux et les activités d’autofinancement.

Nous aurons clairement besoin de votre soutien pour relever ces défis. C’est notre responsabilité. Personne ne nous offrira les changements que nous voulons sur un plateau. Personne n’a dit que ce serait facile. Le changement que nous nous efforçons d’obtenir ne se fera pas du jour au lendemain. La seule chose dont nous sommes sûrs est que nous devons persister pour transformer nos rêves en réalité. Nous pouvons le faire si nous le décidons. Travaillons ensemble et faisons participer d’autres jeunes travailleurs. Veux-tu te joindre à nous ?

En solidarité,

Doriabelle, Isak, Andy, Ikin, Nanang, Martin, Zoe, Mardiyono, Sarah, Slim, Antoine, Stefaan, Abraham, Segundo, Antonio, Josenaldo, Christina, Kathi, Kevin, Meiry, Meiver, Arlindo, Orlando et Luciano

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