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La réalité dans laquelle nous vivons

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« Pas de travailleur sans droits; pas de paysan sans terre; pas de famille sans toit »

La Rencontre mondiale des mouvements populaires, à laquelle la Jeunesse ouvrière Chrétienne Internationale (JOCI) a activement participé, s’est tenue à la Cité du Vatican du 27 au 29 octobre 2014, en présence de plus de 100 mouvements et organisations populaires. Andy Predicala a représenté la JOCI à cet événement.

Lors de la session plénière, la JOCI a mis l’accent sur la situation précaire des travailleurs, en particulier des jeunes. Le sous-emploi et le manque d’emplois sont généralisés. Le taux élevé de chômage des jeunes et la forte tendance à trouver du travail dans l’économie informelle sans aucune protection des droits sociaux ni accès à la protection sociale sont devenus des menaces. Même ceux qui ont un emploi souffrent de l’insécurité de l’emploi découlant du sous-emploi ou des emplois précaires et vulnérables. Les prévisions laissent craindre que si la crise se poursuit, plus de 215 millions de personnes seront au chômage et en recherche d’emploi à l’horizon 2018.

Moins de 3 dollars par jour

Ce phénomène entraîne des conséquences très lourdes pour les jeunes, comme expliqué ci après : « Les jeunes travailleurs n’ont pas la possibilité de planifier ce qui arrivera demain, la semaine prochaine ou l’année prochaine. Parfois, ils ont plusieurs emplois en même temps pour pouvoir survivre. Ils sont confrontés à des pressions sur leur lieu de travail, des objectifs de production irréalisables, des pressions pour faire des heures supplémentaires, voire même pour travailler 7 jours sur 7. Souvent, les salaires des jeunes travailleurs sont très bas. Dans les pays en développement, la plupart des jeunes travailleurs sont payés moins de 3 dollars par jour et dans les pays développés, ceux qui travaillent à façon ou via des agences d’intérim perçoivent moins de 6 dollars l’heure. Ils ont peur de perdre leur emploi et se heurtent aux contraintes imposées par les employeurs ».

Dans cette situation, ce sont les femmes qui sont les plus vulnérables. Ce sont elles que l’on retrouve le plus souvent dans les emplois temporaires, confrontées au harcèlement sexuel et à la discrimination fondée sur le genre, gagnant des salaires inférieurs à ceux de leurs collègues masculins et occupant moins de postes de pouvoir.

Un système économique qui place le profit au-dessus de l'homme

En raison de la forte concurrence entre les travailleurs, la flexibilité et la précarité du travail sont bien réelles. En bref, cela débouche sur une plus grande insécurité de l’emploi, des salaires peu élevés, de longs horaires et de longues journées de travail, ainsi que sur une absence de liberté d’expression et d’association.

La situation des travailleurs et des jeunes a été mise en avant par le Pape François lorsqu’il s’est adressé aux mouvements populaires le deuxième jour de la rencontre. Il a déclaré textuellement :

« Il n’y a pas de pire pauvreté matérielle – je me dois de le souligner – il n’y a pas de pire pauvreté matérielle que celle qui ne permet pas de gagner sa croûte et prive une personne de la dignité du travail. Le chômage des jeunes, l’informalité et l’absence de droits du travail ne sont pas inévitables ; ils sont le résultat d’un choix social préalable, d’un système économique qui place le profit au-dessus de l’homme ; si le profit est économique, le placer au-dessus de l’humanité ou au-dessus de l’homme est l’effet d’une culture du jetable qui considère que l’être humain est en soi un bien jetable, qui peut être utilisé et ensuite mis au rebut. Aujourd’hui, au phénomène de l’exploitation et de l’oppression s’ajoute une nouvelle dimension, une inflexion dure de l’injustice sociale : ceux qui ne peuvent être intégrés, les exclus, sont rejetés tels des « rebuts ». C’est cela la culture du jetable et je voudrais développer un point que je n’ai pas écrit mais qui me revient à l’esprit à l’instant. Cela se produit lorsque le dieu argent est placé au centre du système économique, et non l’homme, la personne humaine. Oui, la personne, image de Dieu créée pour être le dénominateur de l’univers doit être au centre de tout système social ou économique. Lorsque la personne est déplacée et qu’arrive le dieu argent, il y a un renversement des valeurs. »

Des millions de jeunes sont écartés du monde du travail

Le Pape reconnaît l’agonie des jeunes travailleurs : « …nous assistons à un troisième rejet très douloureux, celui des jeunes. Des millions de jeunes, je ne veux pas donner de chiffre car je ne le connais pas exactement et celui que j’ai lu me semble quelque peu exagéré, mais des millions de jeunes sont écartés du monde du travail, se retrouvant au chômage. »

Il a alors remercié les différents mouvements et organisations qui, en dépit des obstacles, continuent de lutter et de se battre pour le droit à une TERRE, un TOIT et un TRAVAIL. « … mais vous, avec vos dons d’artisan que Dieu vous a donnés, avec votre quête, avec votre solidarité, avec votre travail communautaire, avec votre économie populaire, vous y parvenez, vous êtes en train d’y parvenir. Et laissez-moi vous dire que cela, ce n’est pas seulement du travail, c’est de la poésie. Merci ! »

La solidarité, c'est affronter les effets dévastateurs de la primauté de l'argent

Dans son discours de 30 minutes, le Pape a parlé de la solidarité, qui va « au-delà des gestes sporadiques de générosité. C’est penser et agir dans une perspective communautaire, donnant la priorité à la vie de tous sur l’appropriation des biens par quelques-uns. C’est également lutter contre les causes structurelles de la pauvreté, de l’inégalité, de la pénurie d’emplois, de terres et de logement, contre la négation des droits sociaux et du travail. C’est affronter les effets dévastateurs de la primauté de l’argent. »

Et il a ajouté sérieusement, sur le ton de l’humour : « Cette rencontre répond à une aspiration très concrète, à quelque chose que chaque père, chaque mère veut pour ses enfants ; une aspiration que chacun devrait pouvoir réaliser mais qui aujourd’hui, nous le constatons avec tristesse, s’éloigne de plus en plus de la majorité : une TERRE, un TOIT, un TRAVAIL. C’est curieux, mais si je parle de ces choses, certains disent que le Pape est communiste. » Et toute l’Ancienne Salle du Synode a éclaté de rire.

« Ils ne comprennent pas », a ajouté le Pape, « que l’amour des pauvres est au centre de l’Evangile. Une terre, un toit et un travail, ce pour quoi vous luttez, sont des droits sacrés. Faire valoir ces droits n’a rien d’étrange ; c’est la doctrine sociale de l’Eglise. »

 

Nous devons remettre la dignité humaine au centre

Enfin, le Pape a lancé un défi à tous les délégués : « … ce système n’est plus tolérable. Nous devons le changer ; nous devons remettre la dignité humaine au centre et édifier sur ce pilier les structures sociales alternatives dont nous avons besoin. Il faut le faire avec courage, mais aussi avec intelligence. Avec ténacité mais sans fanatisme. Avec passion mais sans violence. Et tous ensemble, s’attaquer aux conflits sans se retrouver pris à leur piège, chercher toujours à résoudre les tensions pour atteindre un degré plus élevé d’unité, de paix et de justice. »

Au moment d’agir, il a vivement recommandé de lire et de s’inspirer des Béatitudes au chapitre 5:3 de Saint Matthieu et au chapitre 6:20 de Saint Luc et du passage entier de Matthieu 25.

Terminant par une prière et une bénédiction finale, le Pape a conclu : « Je vous accompagne avec tout mon cœur sur ce chemin. Disons ensemble de tout notre cœur : pas de famille sans toit, pas de paysan sans terre, pas de travailleur sans droits, pas de personne sans la dignité que donne le travail. »

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