1975 a constitué une étape importante non seulement dans l’histoire du monde, mais également dans l’histoire de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne Internationale (JOCI). 40 ans plus tard, les dirigeants et membres de la JOC d’Autriche des années 1970 et 1980 se sont réunis pour jeter un regard sur le passé, analyser le présent et préparer des actions pour l’avenir, non pas pour eux-mêmes mais pour la génération actuelle de jeunes travailleurs.
Une cinquantaine d’anciens jocistes de différentes régions d’Autriche ont participé à ce rassemblement à Linz le 25 avril 2015. Une réception a été organisée pour se remémorer les souvenirs du passé, partager les expériences qu’ils ont vécues à la JOC et expliquer où ils en sont aujourd’hui. Elle a été suivie d’un exposé de Gerard Steger, l’intervenant de la Fédération des syndicats autrichiens.
Gerard Steger a fait remarquer que l’année 1975 avait été jalonnée de nombreux événements mondiaux importants, notamment la fin de la guerre du Vietnam, l’interdiction par l’Assemblée générale de l’ONU de l’utilisation des armes chimiques, l’indépendance d’un certain nombre d’États en Europe et en Amérique latine, la création de Microsoft par Bill Gates, la mort du dictateur espagnol Franco, la première réunion du Conseil de l’UE, et en Autriche, la tenue d’élections parlementaires.
La JOCI, quant à elle, a organisé son 4e Conseil international à Linz cette année-là, adoptant une série de documents définissant son identité et son orientation. Ces documents sont la Déclaration de principes (DP), la Tâche d’éducation (TE) et la Révision de vie et d’action ouvrière (RVAO).
Une société sans classes à travers l’unité et la solidarité
C’est à cette époque que le mouvement a commencé à analyser la lutte des classes et l’exploitation des travailleurs, ainsi que le sens profond de la vie et la dignité des jeunes travailleurs dans le monde. Le mouvement s’est battu pour la liberté des gens, avec des principes de base et diverses dynamiques. Dans sa déclaration de 1975, la JOC visait l’avènement d’une société sans classes à travers l’unité et la solidarité, ainsi qu’une coordination avec différentes organisations populaires.
Dans son analyse de 1975, la JOCI avait prédit la manipulation et la dictature de l’économie, la migration, la surconsommation et l’individualisme, la forte pression mise sur les travailleurs, ainsi que le manque de solidarité, autant de réalités bien visibles aujourd’hui. Dans l’accomplissement de sa mission, elle proposait d’utiliser la méthodologie du mouvement à travers le Voir-Juger-Agir pour analyser la situation et mettre en lumière la contradiction entre la maximisation du profit et de la production d’une part, et la relation des êtres humains avec la nature d’autre part.
La JOCI a assumé la tâche de lutter contre ce monde injuste, motivée par « la Foi et la Vie dans l’Unité », visant un changement structurel et individuel, un nouvel être humain solidaire.
Lorsque nous regardons le monde d’aujourd’hui, nous voyons une multitude de réfugiés politiques et de réfugiés de guerre qui viennent de Syrie et du Nigeria pour entrer en Europe, des migrations forcées de personnes obligées de trouver du travail à l’étranger, des taux élevés de chômage, en particulier chez les jeunes, la guerre qui persiste en Ukraine, et la concentration de l’argent et des ressources dans les mains de quelques-uns.
Dans la perspective actuelle, qu’est-ce que cela signifie ?
Les faits en 2015 :
L’OIT relève que plus de 200 millions de personnes à travers le monde sont au chômage, dont 74 millions de jeunes. En Europe, le taux de chômage des jeunes s’élève à 23%, à 59% en Grèce et à 53% en Espagne.
Selon l’étude réalisée par un syndicat allemand en 2014, les travailleurs de moins de 35 ans sont plus souvent confrontés à des emplois précaires, à savoir un nombre insuffisant d’heures de travail, de piètres conditions de travail et des salaires peu élevés. En Europe, les migrants ont aussi des difficultés à trouver un emploi.
Depuis 1975, le monde du travail et la société ont connu une évolution négative. La distribution des revenus n’est pas équilibrée. Par exemple, la fortune de Bill Gates s’élève à 79 milliards de dollars, un montant qui équivaut au budget annuel de l’Autriche.
Proposition de changement formulée par notre mouvement
1. Penser globalement, agir localement. Ce qui arrive dans un pays est lié à ce qui arrive dans un autre. Les problèmes ont des dimensions internationales. Il est urgent d’agir au niveau local mais en même temps, il faut y associer la perspective internationale.
2. Encourager les gens à se montrer solidaires. Motiver les gens et aller à l’encontre du courant dominant de la société fortement influencé par les médias. Identifier les intérêts communs, reconnaître les besoins écologiques et construire une analyse sociale en suivant une méthode scientifique.
3. Renforcer la solidarité entre les personnes. Trouver des sources supplémentaires de solidarité à partir d’un point de vue philosophique ou d’une attitude religieuse, en plaçant la dignité humaine au centre de tout projet.
4. Faire preuve de solidarité dans les situations d’urgence. Certaines situations telles que la guerre en Syrie, en Irak, au Nigeria, en Ukraine, etc. requièrent une action et un soutien urgents.
5. Réclamer des structures justes et équitables. Aujourd’hui, de nombreux événements nous rendent aveugles, nous rejetons la faute sur les catastrophes et désastres au lieu d’examiner en profondeur les causes structurelles.
6. Transmettre notre message fondamental de solidarité. Chaque époque a son langage. Nous devons rencontrer les gens à la base et transmettre notre message de solidarité dans un langage moderne.
7. Faire participer les gens et conclure des alliances. Impliquer les gens de différents secteurs, syndicats, associations, les travailleurs informels, les agriculteurs, etc. Il est également important de s’engager à générer un changement avec ces secteurs.
L'engagement des anciens: partager leur expérience
En tant qu’anciens dirigeants et membres de la JOC, ils ont acquis énormément de connaissances et d’expérience, plus particulièrement en ce qui concerne les questions sociales et politiques. Certains prennent de l’âge et d’autres sont sur le point de prendre leur retraite, mais le monde n’a pas changé en mieux. La rencontre de Linz a ranimé le feu dans leur cœur et dans leur sang. Ils se sont engagés à exploiter leur expérience pour (1) témoigner qu’un autre monde est possible ; (2) parler aux jeunes de leur expérience et la leur transmettre; et (3) accompagner et aider les jeunes soucieux d’entreprendre.
À l’issue de la rencontre, chacun avait la conviction que le feu brûlait en eux et que de ces cendres naîtrait une société nouvelle, sans classes.
Par Andy Predicala